Les océans couvrent 71 % de la planète mais ne contribuent qu’à seulement 2 % de notre alimentation en calories. A l’intérieur des espaces maritimes, une ressource apparait essentielle et pourtant trop souvent négligée : les algues. Cette bande dessinée est l’adaptation des travaux de Vincent Doumeizel pour faire prendre conscience que les algues sont peut-être l’avenir de l’humanité.
La rencontre de différents spécialistes
Le principe de la bande dessinée est simple et il est pensé pour pouvoir permettre de longs développements des thèmes. Il s’agit en effet de l’initiation d’un candide aux formidables opportunités que représentent les algues. Chemin faisant, Rym, la candide, rencontre Vincent Doumeizel, Leigh Broadhurst, physico-chimiste, mais aussi Philippe Potin, biologiste, Hélène Abreu, aquacultrice ou encore Tiahni Adamson, biologiste de la conservation de la faune.
Les auteurs
Vincent Doumeizel est conseiller pour les océans au Pacte mondial des Nations unies. Il a participé à la rédaction du Manifeste pour les algues présenté à l’ONU avant de fonder avec le CNRS la première coalition mondiale des acteurs des algues. Etienne Lecroart est dessinateur et a précédemment publié par exemple « Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ? » avec Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.
Des algues à l’origine de la vie terrestre
Les algues sont à l’origine de la vie terrestre il y a 500 millions d’années. Ce sont aussi elles qui ont permis que l’homme soit intelligent grâce à leur apport en acides gras polyinsaturés. L’humanité a tout intérêt à se tourner vers les algues quand on sait que dans les cinquante prochaines années il faudra produire autant de nourriture que pendant les 10 000 ans passés. Celles-ci ont un goût particulier, l’umami, qui constitue la cinquième saveur en plus des quatre habituelles.
Les algues dans l’histoire
Il semblerait que ce soit grâce aux algues que les Vikings ont pu aller jusqu’en Amérique en embarquant ce produit en quantité au fond de leurs drakkars. Les algues ont été négligées en Occident puisque la civilisation gréco-romaine se caractérisait par l’agriculture terrestre. A plusieurs reprises, la bande dessinée montre que les algues ont pu être utilisées puis oubliées. Cependant, dans des temps de famine comme en Irlande au XIXème siècle, les hommes sont retournés vers cette ressource.
Des algues pour aller mieux
Sur ce sujet, les exemples pullulent. Lorsque l’on se blesse, on désinfecte la plaie avec de la teinture d’iode, iode qui vient justement des algues. On sait aujourd’hui que le déficit en iode est la cause de ce qu’on appela le crétinisme et qui sévit dans les montagnes françaises au XIXème siècle. Au passage, les Chinois avaient fait cette analyse depuis longtemps. On peut justement citer des travaux chinois actuels autour de l’algue brune contre la maladie d’Alzheimer.
Des algues pour tout faire
Cette idée est un peu le leit-motiv de la bande dessinée mais on est souvent surpris des utilisations et domaines touchés par les algues. Les phycocolloïdes, sucres complexes de certaines algues, forment les gélifiants de nombreux produits du quotidien. Les algues peuvent donc être une alternative au plastique. Il peut y avoir aussi des vêtements en algues. Les algues absorbent quantité de gaz à effet de serre. Plusieurs planches de la bande dessinée montrent combien les algues sont utiles. On peut signaler à ce titre les pages 112 et 113 qui regorgent d’exemples d’utilisations par des pays à la fois développés et sous-développés.
Un secteur porteur mais encore marginalisé
Il y a une vraie différence en terme de recherche. Pour le blé cultivé depuis 12 000 ans, on compte 500 chercheurs autour de deux espèces proches. Les algues cultivées depuis quelques décennies comportent 12 000 espèces différentes mais ne sont examinées que par 70 chercheurs. Flower Msuya, originaire de Zanzibar, développe un cas original. Les femmes se sont emparées de la culture des algues et cela leur a permis de desserrer le cadre d’une société patriarcal et traditionaliste. Aujourd’hui en Tanzanie, deux millions de personnes vivent indirectement des revenus tirés des algues.
Rester lucide
Il n’y a pas d’angélisme de la part des auteurs par exemple à propos des algues vertes. Elles ne sont pas un problème écologique en soi mais elles ne sont que le symptôme des abus de notre société agricole. La bande dessinée se termine en évoquant les blocages qui demeurent aujourd’hui. Parmi eux, il y a une invisibilité des algues dans le public mais aussi une grande fragmentation des acteurs du secteur. On manque aussi de cadre réglementaire et il est plus facile d’obtenir un permis pour exploiter du pétrole que pour cultiver des algues.
Au terme de cet exposé très complet, parfois presque trop foisonnant, les auteurs souhaitent conclure sur un message d’espoir. L’avantage des algues, c’est que leur potentiel est énorme et que nous partons d’une page quasi blanche où rien ne nous empêche de dessiner un nouveau modèle durable.